Restaurer le biotope du Grand tétras
La population du Grand Tétras est en déclin et sa préservation est un enjeu environnemental fort. Ce galliforme est une espèce d'une grande exigeance écologique. Pour cela l’ONF met en œuvre, dans le cadre du projet européen Habios, des actions de conservation et de protection de l’espèce.
Différentes actions sont menées en faveur du Grand Tétras. D'une part, l'ONF réalise une sylviculture adaptée à cette population par traitement en futaie irrégulière dans les zones de présence de l'espèce. Une futaie irrégulière comprend des arbres de tous les âges, du semis à la vieille futaie. Cette gestion participe au renouvellement et au maintien de l'état boisé dans le temps. Elle offre une unité paysagère pérenne et garantit la conservation de la biodiversité locale.
Le grand tétras, un oiseau rare abandonné par l’État
Avec une population en déclin, la situation du grand tétras dans les Pyrénées est préoccupante. Elle a fait l’objet cet été de l’ultime rapport du Comité d’expert pour la gestion adaptative (Cega). Plusieurs de ses membres, dont son président, ont démissionné, dénonçant notamment le poids du lobby de la chasse.
En France, le grand tétras bat de l’aile. Certes, ce gracieux galliforme de montagne est toujours là : queue noire ébène en éventail, reflets bleutés du jabot, virgule carmin surlignant l’œil, le mâle, qui peut peser jusqu’à 5 kg, se promène encore en lisière des forêts de conifères, de préférence dans les buissons de myrtilles, un fruit qui « joue un rôle important pour l’alimentation des adultes et des poussins, le camouflage et le couvert thermique ». Pas étonnant donc que les derniers grands tétras de France se trouvent dans les Pyrénées où la petite baie, qui fait aussi le bonheur des ours, se ramasse à la griffe tout l’été.
Mais dans ce massif où les accouplements se font en hiver et les pontes au printemps, la population baisse. Elle est passée de près de 7 500 individus en 2004 à un peu plus de 5 000 en 2019. Un déclin « avec une perte annuelle de 2 % », documente un rapport consacré à la situation de l’espèce dans les Pyrénées, réalisé par des scientifiques du Comité d’expert pour la gestion adaptative (Cega).
En accès libre depuis fin août sur le site Researchgate, ce document relève que « au cours des 15 dernières années, l’effectif de mâles sur les leks [zones de reproduction où les coqs paradent pour séduire les poules] s’est érodé d’environ 20 % […] Ceci souligne que les efforts de conservation entrepris ces dernières années n’ont pas été suffisamment efficaces pour enrayer la dynamique négative de la population. »
En France, où il a disparu des Alpes, et quasiment du Jura et des Cévennes, le grand tétras est classé sur la liste rouge nationale comme « vulnérable ».
Idéalement, ce document du Cega, étayé et mobilisant les meilleurs spécialistes, aurait dû être remis au ministère de la Transition écologique. Lequel s’en serait servi pour tenter d’atteindre l’objectif fixé par la stratégie nationale d’action en faveur du grand tétras définie en 2012 : « Stopper le déclin des populations pour tendre vers un bon état de conservation de l’espèce » sur 10 ans.
Mais en France, les outils pour accompagner la sauvegarde de la biodiversité ne vont guère mieux que le grand tétras et le Cega n’a pas remis la version finale de ce rapport de modélisation aux services de Barbara Pompili.
En effet, le 6 juin dernier, Aurélien Besnard, biologiste chercheur fraîchement nommé à la présidence du Cega, en a démissionné, faute d’entente avec le ministère sur un rééquilibrage de la composition du comité (lire notre encadré ci-dessous). Dans la foulée, d’autres membres du comité ont aussi démissionné, en prenant soin, à défaut d’avoir à ce moment-là sa version finale, de remettre le prérapport sur le grand tétras au ministère. « L’idée était de montrer que, au moment où il se mettait en sommeil, le Cega était bien capable de produire des analyses de qualité avec un avis objectif fondé sur des données scientifiques », explique Guillaume Bal, du Muséum national d’histoire naturelle, secrétaire scientifique du Cega. Le ministère a indiqué la suspension des travaux du comité à ses membres par courrier le 29 juin.
Le danger des câbles et clôtures
Ce rapport sur le grand tétras montre pourtant tout l’intérêt d’un tel comité. Loin d’accabler uniquement les chasseurs, les coauteurs estiment ainsi « que la réduction de la mortalité liée aux collisions avec les infrastructures linéaires disposées en milieux de montagne (câbles de remontées mécaniques, lignes électriques, clôtures) » est aujourd’hui la mesure prioritaire pour la sauvegarde du galliforme.
« Le grand tétras est un oiseau lourd qui vole assez vite, plutôt au crépuscule quand la visibilité est moindre : du coup, beaucoup se tuent dans les clôtures et les câbles des remontées mécaniques, explique Emmanuel Ménoni, de l’Office français de la biodiversité (OFB), co-auteur du rapport et spécialiste français du volatile sur lequel il travaille depuis plus de 30 ans.
Les tableaux de chasse sont aujourd’hui plutôt insignifiants. Si on arrivait à relever ne fut-ce que de trois points le taux de survie des femelles, la population serait stabilisée. » Il faut pour cela avant tout rendre visibles les câbles et clôtures qui balafrent le massif. « Ces repères visuels permettent à l’oiseau de dévier son vol et on sait que cela peut réduire la mortalité de 80 %.
Mais aujourd’hui, seuls 25 % des câbles et seule une centaine de kilomètres de clôtures sur les 1 100 concernant l’habitat favorable du grand tétras et du lagopède sont visibilisés dans le massif. Il faut encore des moyens », dit-il.
C’est même une urgence : le Bilan démographique Pyrénées 2021 de l’Observatoire des galliformes de montagne (OGM), paru le 6 septembre, confirme une « tendance à la diminution des effectifs de coqs sur le massif » évaluée à 12,3 % sur 12 ans. Et donne un indice de reproduction très mauvais pour 2021 : 0,6 jeune par poule. Selon la stratégie nationale grand tétras de 2012, si cet indice est inférieur à 1, la chasse n’est pas autorisée. C’est ce qui arrive cette année : en Ariège, par exemple, département le plus « préleveur » avec les Hautes-Pyrénées, la préfète a signé un arrêté le 1ᵉʳ octobre stipulant que le quota de « prélèvement » du grand tétras comme du lagopède sera nul.
« Il n’y aura pas de chasse au grand tétras cette année », s’est félicité Thierry de Noblens, administrateur de la FNE Midi-Pyrénées, qui a lancé une pétition sur le sujet. Le militant écolo a porté ses efforts devant le tribunal administratif sur le lagopède et la perdrix grise, deux autres oiseaux dans la mire des chasseurs pyrénéens. Il est un spécialiste du genre.
Depuis mars 2011, son association et d’autres (le Comité écologique ariégeois, Nature en Occitanie, FNE 65 et Groupement Ornithologique du Roussillon) ont gagné la totalité des 49 procédures intentées en justice concernant le grand tétras. Autant de défaites pour les chasseurs et le ministère, dont la plus retentissante a été la décision du Conseil d’État en novembre 2018 de rejeter un pourvoi du ministère visant à rétablir l’autorisation de prélèvement d’un seul spécimen.
« Aujourd’hui, les prélèvements de grand tétras sont minimes, reconnaît-il. Mais la chasse reste un acteur très volontaire : même quand elle baisse ses niveaux de prélèvement, c’est elle qui donne le la sur les espèces gibiers au ministère. Ce que je reproche le plus aux chasseurs, c’est de ne pas avoir été avec nous ces dernières décennies dans la lutte contre les aménagements dans la montagne, les stations de ski, les lignes à haute tension », qui ont endommagé les zones d’habitat du galliforme. Et d’ajouter l’impossible recensement des oiseaux blessés ou de ceux mourant d’épuisement pour fuir les randonneurs et skieurs.
Autant de facettes du touffu dossier du grand tétras — et au-delà, des oiseaux « gibiers » — qui mériteraient d’être documentées avec rigueur pour améliorer la situation. Par exemple par un comité indépendant d’experts scientifiques, conforté par le ministère.
https://reporterre.net/Le-grand-tetras-un-oiseau-rare-abandonne-par-l-Etat
Des scientifiques s’opposent à la réintroduction du grand tétras, un oiseau quasi éteint
Quatre d’après BFMTV, neuf selon TF1. Quelques grands tétras, capturés en Norvège, auraient été relâchés dans le Parc naturel des Ballons des Vosges entre le 26 et le 29 avril. Si les informations sont peu précises, voire contradictoires, c’est que ce programme de réintroduction du gallinacé, quasi éteint dans le massif vosgien, cristallise les tensions.
Le 20 avril, cinq associations écologistes ont déposé un recours en urgence devant le tribunal de Nancy, pour suspendre l’arrêté préfectoral autorisant ce projet. Toutes assurent que les conditions ne sont pas réunies pour assurer la survie de ces nouveaux venus.
Changement climatique, habitat grappillé par les humains, fragmentation et rupture des corridors, dérangements, collisions avec les lignes haute tension… Tous les voyants sont au rouge, aux yeux de nombreux scientifiques. Et tant que ces pressions existeront, les lâchers seront voués à l’échec.
Parfois appelé coq de Bruyère, le grand tétras est le plus imposant des oiseaux terrestres sauvages d’Europe. Des 500 individus présents dans les Vosges dans les années 1970, il ne reste qu’une poignée ; 3 ou 4 d’après les estimations. De quoi considérer la population comme « virtuellement éteinte ». Lancé il y a deux ans, un projet — à 200 000 euros — prévoit d’en prélever 200 en Norvège en l’espace de cinq ans pour repeupler le massif français.
Dans son ordonnance rendue le 26 avril, le juge a finalement estimé que la requête des associations ne remplissait pas de caractère urgent. Le magistrat considère que ce programme répond à « un motif d’intérêt général » de préservation de la biodiversité en « évitant la disparition prochaine de cette espèce », sans retenir les arguments des scientifiques opposés. Autrement dit, feu vert à la réintroduction. Le dossier n’est pas clos pour autant, la juridiction devant se prononcer sur le fond dans les mois à venir.
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